C’est magique et presque unique ! Demain, le spectacle vivant reprend vie dans la région.
Le Ciam (Centre International des Arts en Mouvement) a bouleversé sa programmation annuelle, et son organisation, pour accueillir le public sur son site en plein air, à un jet de trapèze d’Aix-en-Provence (13). Dès l’âge de 6 ans, et tout l’été, il va être à nouveau possible de s’émerveiller au rythme vertigineux des arts du cirque. Chloé Béron, directrice et co-fondatrice du Ciam dévoile à Pacamômes les conditions de cette renaissance.
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Photo Christophe Raynaud de Lage
Ce 12 juin et jusqu’au 27 septembre prochain, le Ciam (Centre international des arts en mouvement : http://www.artsenmouvement.fr/ propose au public de (ré)embarquer pour le festival Jours [et nuits] de cirque(s) sans fin. Comment est-il né ?
Chloé Béron : Chaque année, fin septembre, nous organisons le festival Jours [et nuits] de cirque(s) pendant 10 jours. Il rassemble près de 5 000 personnes sur site, et à peu près autant à l’extérieur. Évidemment, avec la crise sanitaire, il est en suspens. Pendant le confinement, nous avons donc beaucoup échangé avec des artistes, des penseurs. Nous avons réfléchi à la signification d’un lieu comme le notre – de s’arrêter, dans un premier temps – et quant à notre responsabilité, après. Beaucoup d’artistes sont frustrés de ne plus avoir de relation avec le public. Finalement, cette situation a mis en exergue le lien, entre le public et les artistes, que représentent les structures culturelles. Sans ce maillon de la chaîne, les artistes ont envie, le public aussi, mais la rencontre ne se fait pas forcément. Au déconfinement, de petites adaptations ont permis de continuer à faire du spectacle malgré l’impossibilité d’un rassemblement : des artistes ont investi un commerce en travaux pour se produire dans la vitrine, d’autres se sont rendus dans des Ephad. Mais dès que les mesures sanitaires se sont assouplies, nous avons voulu proposer quelque chose. Il n’était pas question de passer un été sans spectacle vivant. Cette idée était quand même assez terrible.
D’où ce nouveau nom sans fin ?
C.B. : C’était un peu en écho à cette période de confinement où nous avons aussi vécu ce côté jour sans fin. Mais l’idée était que nous ne pouvions pas laisser tous ces artistes qui avaient tellement de choses à dire et de générosité, sans possibilités, ni terrain d’expression. Nous avons donc aussi décidé d’élargir le festival à toute la période estivale, avec des rendez-vous tous les week-ends. Chacun sera consacré à un artiste ou à une thématique.
Qui pourra-t-on notamment découvrir ?
C.B. : Après l’ouverture ce week-end le 12 juin, nous accueillerons Les filles du renard pâle, une compagnie contemporaine autour du funambulisme, puis un petit cabaret sous les étoiles avec plusieurs artistes. Début juillet, on pourra découvrir El Nucleo, qui est aussi une grande compagnie contemporaine d’acrobaties. Le festival va se structurer au fur et à mesure, en fonction des envies des artistes, des impulsions. Il est dans un format carte blanche car beaucoup d’artistes n’ont pas retrouvé leurs agrès depuis longtemps.
Ce festival s’inscrit dans une forme de liberté ?
C.B. Chacun vient avec ce qu’il a. Le public sera aussi un peu inquiet de se retrouver en groupe, mais il vient quand même. Comme l’artiste avec son côté parfois rouillé après ces mois d’inactivité. En fait, nous faisons en pacte : nous sommes tous ensemble dans cette histoire, et ensemble nous allons nous apaiser. Il s’agit vraiment d’un partage. Les spectacles sont en plein air pour environ une heure sans savoir ce que l’on va voir, mais en tous cas on vient pour telle ou telle compagnie. Ce sont des personnes que nous programmons par ailleurs et dont nous aimons beaucoup le travail. Le public nous fait assez confiance sur le choix de ces artistes. Nous nous lançons tous dans cette histoire un peu moins simple que d’habitude.
Une histoire inédite…
C.B. : En tous cas chez nous, et dans ces conditions, oui. D’ailleurs, il y a très peu de lieux qui ont repris les spectacles car les contraintes restent importantes. En l’état actuel des normes, le public va devoir se déplacer avec un masque sur le site. Cette ambiance est quand même un peu particulière. Mais quelque part, c’est ça ou rien. Et rien, c’est effroyable. Nous sortons aussi d’une période où le corps de l’autre est un danger. Se retrouver tous ensemble ne va pas être simple. Il va falloir se réapprivoiser.
Ce festival est né il y a quelques semaines, comment allez-vous mener ce possible ?
C.B. : Nous avons la chance d’avoir un lieu et une équipe très réactifs. Nous n’avons pas la lourdeur d’une institution qui organise des saisons. Nous avons toujours défendu une programmation au fil de l’eau, un lien fort avec l’écosystème des compagnies. Une plasticité, et presque une organicité dans notre construction. Tout cela a permis de remonter une programmation en quelques jours. C’est toujours troublant. Mais le public y répond extrêmement bien alors que c’était quand même la grande inconnue.
Justement, le week-end d’ouverture, c’est demain. Comment a réagi le public ?
C.B. : Les places ont été réservées pour le week-end d’ouverture en quelques heures. Le public a envie de retrouver le spectacle. La preuve : alors que ce week-end d’ouverture est gratuit, nous avons aussi mis en place deux niveaux de tarifs Spectateurs solidaires : un à 5 euros et un autre à 10 euros. Plus d’un spectateur sur trois a décidé de payer. Il y a donc un vrai engagement. C’est un public qui a envie et qui n’est pas que opportuniste.
Jauge maximum par spectacle, mesures sanitaires, comment les mettez-vous en place ?
- B : La jauge est pour l’instant limitée à 200 personnes et les groupes de réservation sont de 10 personnes maximum. Mais nous ne créerons pas ces images assez terribles de théâtre avec une place sur deux. Nous allons installer le public au fur et à mesure des groupes de réservation. Ainsi, ceux qui viennent en famille pourront être assis les uns à côté des autres. Les normes sanitaires l’acceptent, et les enfants peuvent être ainsi près de leurs parents et non pas à un mètre. En revanche, si les formats sont tous publics, pour l’instant nous ne pouvons pas accueillir les tous petits. Il est compliqué de leur expliquer qu’on ne peut pas aller courir dans les jambes des autres spectateurs. Les enfants peuvent donc venir à partir de 6 ans, et jusqu’à 12 ans, le port du masque n’est pas obligatoire.
À la veille de cette reprise, quelles sont vos émotions, vos sentiments ?
- B : Nous ressentons beaucoup d’excitation. Et en général, ce redémarrage est assez émouvant. Les retours des gens sont incroyables. Les compagnies nous témoignent de ce besoin vital de reprendre. Elles nous remercient. D’autant que dans le cas contraire, certaines allaient disparaître. C’est comme si on retrouvait un amant après trois mois de confinement. On ne sait pas très bien analyser ces sentiments mêlés de joie, et de trac, forcément. Ces moments vont être exceptionnels dans la tension, l’émotion qui va être partagée. Il y a quelque chose de l’effort collectif pour les vivre, qui j’espère, sera aussi fort que les retours des artistes, et du public que nous avons déjà depuis deux jours. Et je suis très heureuse de voir que les gens ont encore envie les uns des autres. C’est rassurant. Même si je ne suis pas dupe. Il reste beaucoup de barrières à passer. Mais le fait d’être en plein air est un avantage par rapport au fait d’être en salle.
Il reste tout à faire pour que ce contexte anxiogène lié aux mesures sanitaires puisse être vécu autrement, et en particulier dans le spectacle ?
- B. : Doit-on conserver ce contexte anxiogène tout en en jouant ? En tous cas, cette crise nous pose aussi une autre question : celle de l’élargissement du public du spectacle vivant. Aujourd’hui, il touche 15 % de la population. Si on retire les personnes âgées plus exposées au virus, qu’on ajoute le port obligatoire de masques, le contrôle des sacs en raison de Vigipirate, etc., etc., il va être difficile de sortir de l’élite extrêmement motivée et engagée. Il va donc falloir trouver d’autres systèmes pour faire que tout le monde s’y sente bien.
Vous y avez déjà réfléchi ?
C.B. : Cette réflexion alimente le projet en général depuis la création du Ciam puisque nous travaillons les liens entre la culture et la société. Comment amener le public sur un lieu de spectacle parfois sans qu’il s’en rende compte et afin qu’il découvre, ensuite, le spectacle vivant ? Mais, oui. Nous menons des réflexions spécialement sur la question des mesures sanitaires afin de proposer des solutions pragmatiques, mais heureuses, à toutes ces contraintes. D’autant que celles d’aujourd’hui ne sont peut être pas les mêmes que celles qui seront appliquées fin août.
Ce nouveau paramètre sanitaire vous demande de fait beaucoup d’adaptabilité ?
C.B. : Notre programmation est au fil de l’eau. On ne nie pas la menace ou la contrainte sanitaire. Contrairement au terrorisme où l’idée était de dire que le secteur culturel se levait et se battait contre cette agression, pour le virus c’est un peu plus compliqué. Il nous demande de la souplesse pour s’adapter aux recommandations des médecins et gouvernementales, tout en laissant du plaisir et de la capacité de faire, mais sans subir. Dans la discipline du cirque, nous connaissons très bien la question du risque. Nous savons que l’ignorer, ou en tous cas faire comme s’il n’existait pas, reste la meilleure situation pour avoir un accident. Il faut donc le maîtriser et tout faire pour qu’il n’arrive pas.
Propos recueillis par Stéphanie Lacaze-Haertelmeyer
Infos pratiques :
Jours [et nuits] de cirque(s) sans fin, du 12 juin au 27 septembre 2020.
Ciam, (Centre international des arts en mouvement), La Molière – 4181, route de Galice, 13 100 Aix-en-Provnce, tél. : 09 83 60 34 51, contact@ciam-aix.com
Pour retrouver toute la programmation : http://joursetnuitsdecirques.fr/
crédit photo :
Photo Christophe Raynaud de Lage
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